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Bonus et primes de résultat : Un employeur peut-il lier leur versement à une condition de présence à la date de paiement ?

Dans une décision du 24 juin 2019 du conseil de prud’hommes de Paris, la banque d’affaires Morgan Stanley a été condamnée à verser à son désormais célèbre ex-salarié, Bernard Mourad, un bonus de plus de 1,4 millions d’euros qu’elle avait décidé de ne pas lui verser suite à son départ de la banque en février…

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Dans une décision du 24 juin 2019 du conseil de prud’hommes de Paris, la banque d’affaires Morgan Stanley a été condamnée à verser à son désormais célèbre ex-salarié, Bernard Mourad, un bonus de plus de 1,4 millions d’euros qu’elle avait décidé de ne pas lui verser suite à son départ de la banque en février 2015. Cette affaire met en lumière certaines pratiques des entreprises du secteur financier en matière de bonus.

Bernard Mourad, le banquier conseil du Président du groupe Altice, Patrick Drahi, s’était vu attribué d’importants bonus sur la période 2012-2014, dont le versement était échelonné sur plusieurs années. Or, au moment de son départ, la banque lui avait opposé une clause de loyauté, qui conditionnait le versement de ces bonus à la présence du salarié dans la banque.

Dans le secteur financier, le versement des importants bonus est ainsi souvent différé et conditionné à la présence du salarié dans l’entreprise plusieurs mois après la fin de l’année sur laquelle ce bonus est calculé.

L’effet recherché par les entreprises du secteur financier est simple : les salariés dont la rémunération est pour la plus grande partie variable sont ainsi incités à rester dans l’entreprise pour « attendre » le versement de leur bonus de l’année précédente. Par ailleurs, après avoir travaillé pendant parfois 6 mois jusqu’au paiement de leur bonus, ces salariés sont ensuite réticents à quitter l’entreprise, ce qui reviendrait à abandonner leur bonus en cours d’acquisition.

Cette pratique est si répandue dans le secteur financier, que les bénéficiaires de ces bonus avaient pris l’habitude de négocier le « rachat » de leur bonus perdu avec leur nouvel employeur.

L’affaire Bernard Mourad c/ Morgan Stanley pose la question de la légalité d’une telle pratique.

Selon la Cour de cassation, le versement d’une rémunération variable, type prime de résultat ou de fin d’année, peut être soumise à une condition de présence du salarié.

L’Assemblée plénière, soit la plus haute formation la Cour de cassation, avait ainsi jugé, à propos d’une prime de 13ème mois, que le droit au paiement au prorata temporis d’une prime pour un salarié ayant quitté l’entreprise, quel qu’en soit le motif, avant la date de son versement, ne pouvait résulter que d’une convention expresse ou d’un usage (Cass. Ass. Pl. 5 mars 1993, n° 89-43464).

Cette jurisprudence avait ensuite été étendue aux rémunérations variables : par exemple une prime sur objectif (Cass. soc. 26 janvier 2005, n° 02-47271) ou une prime de bilan (Cass. soc. 28 septembre 2005, n° 03-42963).

Une prime qui est calculée en fonction des résultats obtenus au cours d’un exercice peut donc être refusée à un salarié qui a démissionné ou a été valablement licencié avant la fin de ce même exercice.

Ainsi, l’employeur n’est contraint de payer une partie de la prime au prorata du temps de présence du salarié dans l’entreprise uniquement lorsque cela résulte du contrat de travail, d’une convention ou accord collectif ou d’un usage en ce sens.

En revanche, la cour de cassation a apporté une nuance décisive en ce qui concerne les bonus ou primes dont le versement est différé après la fin de la période d’acquisition : dès lors que le salarié a été présent au cours de toute la période d’acquisition de la prime ou du bonus, l’employeur ne peut plus s’opposer à son versement.

Autrement dit, l’employeur ne peut assujettir le paiement d’une rémunération variable acquise sur une période échue à une condition de présence ultérieure du salarié en exigeant sa présence au moment du versement de la prime.

Selon la Cour de cassation, le droit à la rémunération variable relative à une période déterminée est acquis du seul fait que cette période ait été intégralement travaillée par le salarié (Cass. soc. 3 avril 2007, n° 05-45110) :
« si l’ouverture du droit à un élément de la rémunération afférent à une période travaillée peut être soumis à une condition de présence à la date de son échéance, le droit à rémunération, qui est acquis lorsque cette période a été intégralement travaillée, ne peut pas être soumis à une condition de présence à la date, postérieure, de son versement  ; »

L’employeur ne peut donc faire échec au droit à la rémunération variable en considérant que le salarié n’était plus dans ses effectifs à la date de son versement, si la période d’acquisition de la prime a été remplie en totalité.

C’est donc la présence du salarié jusqu’au terme de la période d’acquisition du bonus ou de la prime qui fonde le droit du salarié de percevoir sa rémunération variable, mais pas sa présence au moment de son versement qui n’est qu’une manifestation de ce droit.

La clause du contrat de travail subordonnant le versement d’un bonus de fin d’année à la présence du salarié dans l’entreprise l’année suivante est donc illicite en ce qu’elle prive le salarié d’une rémunération acquise, c’est-à-dire des fruits de son travail.

Une telle clause peut également être considérée comme une atteinte à la liberté de travailler du salarié, puisqu’elle peut avoir pour effet de faire obstacle à son départ de l’entreprise.

La position du conseil de prud’hommes dans l’affaire Bernard Mourad c/ Morgan Stanley n’a donc rien de novatrice et résulte d’une application classique des règles énoncées par la cour de cassation en la matière.

Elle vient cependant remettre en cause une pratique répandue dans le secteur financier.

Source : CPH de Paris, 24 juin 2019, Bernard Mourad c. Morgan Stanley

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Droit du travail – Heures supplémentaires

Comment profiter du dispositif d’exonération sociale et fiscale des heures supplémentaires ? Suite au mouvement des « gilets jaunes », le gouvernement a avancé au 1er janvier 2019 l’exonération de cotisations salariales des heures supplémentaires et étendu le dispositif d’exonération à l’impôt sur le revenu dans la limite de 5.000 € par salarié et par an. Ces…

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Comment profiter du dispositif d’exonération sociale et fiscale des heures supplémentaires ?

Suite au mouvement des « gilets jaunes », le gouvernement a avancé au 1er janvier 2019 l’exonération de cotisations salariales des heures supplémentaires et étendu le dispositif d’exonération à l’impôt sur le revenu dans la limite de 5.000 € par salarié et par an.

Ces exonérations s’appliquent quel que soit le mode d’organisation de la durée du travail au sein de l’entreprise, notamment en cas de forfait d’heures supplémentaires.

Notre conseil :

En prévoyant un forfait d’heures supplémentaires dans le contrat de travail de votre salarié (par exemple un forfait de 4 heures supplémentaires par semaine, soit au total 39 heures hebdomadaires), vous lui faites bénéficier d’un double avantage financier : une importante réduction des cotisations salariales prélevées sur son salaire et une exonération d’impôt sur le revenu, soit une augmentation de son salaire net et une diminution de ses impôts.

Autrement dit, c’est un excellent moyen d’augmenter la durée du travail tout en faisant bénéficier le salarié de deux avantages incitatifs en plus de la majoration liée aux heures supplémentaires.

Source : Décret n° 2019-40 du 24 janvier 2019 relatif à l’exonération de cotisations salariales des heures supplémentaires et complémentaires

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Droit du travail – Licenciement

Insubordination répétée d’un salarié : comment procéder à un licenciement ? Un salarié a été licencié par son employeur en raison de son opposition permanente aux instructions de sa hiérarchie et de son désaccord manifesté à l’égard de la politique de l’entreprise.  Le salarié occupait un poste de cadre et l’employeur estimait que son comportement…

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Insubordination répétée d’un salarié : comment procéder à un licenciement ?

Un salarié a été licencié par son employeur en raison de son opposition permanente aux instructions de sa hiérarchie et de son désaccord manifesté à l’égard de la politique de l’entreprise. 

Le salarié occupait un poste de cadre et l’employeur estimait que son comportement avait eu des conséquences délétères sur l’ensemble de l’équipe et donc perturbé le bon fonctionnement de l’entreprise.

L’employeur avait jugé que ce comportement était constitutif d’une insuffisance professionnelle et licencié le salarié sur la base de ce motif.

Dans une décision du 9 janvier 2019, la Cour de cassation a considéré que l’employeur avait mal qualifié les faits reprochés au salarié qui ne constituaient pas une insuffisance professionnelle mais une faute disciplinaire, ce qui implique le respect de la procédure disciplinaire. 

Notre conseil : 

Lors d’un licenciement pour motif personnel, l’employeur doit veiller à bien qualifier les faits reprochés au salarié qui peuvent relever de deux catégories bien distinctes :

  • l’insuffisance professionnelle, qui est  l’incapacité du salarié à exécuter son travail de manière satisfaisante, 
  • la faute disciplinaire, qui constitue une violation d’une règle de discipline de l’entreprise pouvant résulter du contrat de travail ou du règlement intérieur.

La faute disciplinaire implique le respect d’une procédure spécifique et une mauvaise qualification peut donc aboutir à invalider le licenciement quand bien même les faits reprochés au salarié seraient établis.

Source : Cass. soc., 9 janv. 2019, n° 17-20568

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Sort du contrat de travail en cas d’externalisation d’un service : licenciement injustifié et discrimination d’un salarié non repris

Lorsqu’une entreprise externalise un service ou un établissement, se pose inévitablement la question du sort des contrats de travail de ses salariés. La Cour d’appel de Paris s’est prononcée dans une affaire particulièrement intéressante dans laquelle un GIE du secteur du tourisme avait confié par appel d’offres à un prestataire extérieur l’activité de son bureau…

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Lorsqu’une entreprise externalise un service ou un établissement, se pose inévitablement la question du sort des contrats de travail de ses salariés. La Cour d’appel de Paris s’est prononcée dans une affaire particulièrement intéressante dans laquelle un GIE du secteur du tourisme avait confié par appel d’offres à un prestataire extérieur l’activité de son bureau parisien. Une salariée licenciée lors du transfert d’activité a obtenu en appel la reconnaissance du caractère injustifié de son licenciement et d’une discrimination.

Un groupement d’intérêt économique (GIE) dont la mission est de promouvoir le tourisme en Polynésie française a externalisé l’activité de son bureau parisien chargé de la promotion de cette destination sur les marchés français, belge et suisse romand.

Selon le GIE, les difficultés financières subies en raison de baisses de subventions justifiaient son choix de confier par appel d’offres une partie de ses missions de promotion à l’international à des prestataires extérieurs plus « performants ».

Après l’appel d’offres, remporté par un intermédiaire du tourisme, le GIE a fermé son établissement parisien et s’est séparé de l’ensemble des salariés qui y travaillaient. Le prestataire qui avait remporté l’appel d’offres a ensuite procédé à l’embauche d’une partie seulement des anciens salariés du GIE.

Une ex-salariée du bureau parisien du GIE, qui n’avait pas été reprise, a saisi la justice au motif, d’une part, que son contrat de travail aurait dû être transféré au prestataire qui avait remporté l’appel d’offres et, d’autre part, qu’elle avait subi une discrimination en raison de son origine non polynésienne et de son âge.

1/ Sur l’obligation de reprise du personnel en cas d’externalisation par appel d’offres d’une activité non lucrative

Pour contester son licenciement pour motif économique, la salariée invoquait les dispositions de l’article L.1224-1 du Code du travail qui imposent la reprise des contrats de travail en cas de transfert d’une entité économique autonome d’un employeur vers un autre.

Pour le GIE et le prestataire, l’article L.1224-1 du Code du travail n’était pas applicable car le bureau parisien était en charge d’une activité non lucrative relevant du service public et ne constituait pas une entité économique.
La Cour d’appel chargée de trancher ce litige, relève dans sa décision que le bureau parisien disposait de ses propres moyens matériels et humains et qu’il avait une activité économique autonome en ce qu’il était spécifiquement chargé des marchés français, belge et suisse romand.

La Cour précise également qu’une activité qui n’est pas lucrative ou qui relève du service public peut être qualifiée d’entité économique et que l’article 1224-1 du code du travail est pleinement applicable à ce type d’activité.

La Cour en conclut que l’appel d’offres avait bien eu pour objet de transférer l’activité du bureau parisien du GIE vers une société commerciale et que, par conséquent, tous les contrats de travail auraient dû être transférés à cette dernière.

2/ Sur le caractère discriminatoire des critères de reprise du personnel

L’ex-salariée du GIE estimait également avoir été victime d’une discrimination en raison de son origine non polynésienne et de son âge.

Ce sentiment découlait largement des déclarations publiques du directeur du prestataire, qui avait affirmé dans la presse spécialisée :

« nous nous étions engagés à reprendre 2 personnes, finalement nous en reprendrons 3 parce qu’il nous semble important que ce soit des Polynésiens qui accueillent la clientèle. Qui mieux qu’eux peut promouvoir la destination ? ».

Le GIE et le prestataire contestaient toute forme de discrimination en indiquant avoir recruté des personnes qui n’étaient pas d’origine polynésienne et de différentes classes d’âge.

Sur ce point, la Cour a estimé que les déclarations du dirigeant attestaient qu’il avait privilégié le recrutement de personnes d’origine polynésienne.

La Cour relève également que les salariés repris après l’appel d’offres étaient tous plus jeunes que la plaignante.

La reprise des salariés n’étant pas intervenue uniquement sur la base de critères objectifs, tels que l’ancienneté et les qualités professionnelles, la Cour considère que la plaignante pouvait légitimement se plaindre d’une discrimination en raison de son origine et de son âge.

 

Source : CA Paris, GAUSSENS / AVIAREPS – GIE TAHITI TOURISME, 22 janvier 2016, 14/03250

Adrien Thomas-Derevoge, Avocat au barreau de Paris

Travail – Licenciement – Article L.1224-1 du Code du travail – Transfert d’activité – appel d’offres public – Discrimination liée à l’origine – Discrimination liée à l’âge

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Rupture conventionnelle du contrat de travail

Si la rupture conventionnelle a le vent en poupe depuis ces dernières années, les contours juridiques de ce mode de rupture demeurent imprécis. C’est donc toujours avec intérêt que sont accueillis les derniers arrêts rendus par la Chambre sociale de la Cour de cassation en la matière, poursuivant la construction de sa jurisprudence. Tel est…

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Si la rupture conventionnelle a le vent en poupe depuis ces dernières années, les contours juridiques de ce mode de rupture demeurent imprécis.

C’est donc toujours avec intérêt que sont accueillis les derniers arrêts rendus par la Chambre sociale de la Cour de cassation en la matière, poursuivant la construction de sa jurisprudence. Tel est le cas des quatre arrêts rendu par la chambre sociale le 29 janvier 2014.

Aux termes du premier arrêt (n°12-24.539), la Cour a énoncé qu’une erreur commise dans la convention de rupture sur la date d’expiration du délai de rétractation de 15 jours ne peut entrainer la nullité de cette convention que si elle a pour effet de vicier le consentement de l’une des parties ou de la priver de la possibilité d’exercer son droit de rétractation. En l’espèce, la convention mentionnait un délai de rétractation inférieur au délai légal de 15 jours calendaires et la Cour de cassation a approuvé les juges du fond d’avoir considéré que cette irrégularité ne viciait pas le consentement.

Dans son deuxième arrêt (n° 12.22-116), la Cour de cassation a affirmé que la convention de rupture conclue entre un employeur et un salarié fixe la date de rupture du contrat de travail, laquelle ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l’homologation par l’autorité administrative. Dès lors, le délai de 15 jours au plus tard suivant la première présentation de la notification de la rupture du contrat de travail dont dispose contractuellement l’employeur pour dispenser le salarié de l’exécution de l’obligation de non-concurrence a pour point de départ la date de la rupture fixée par la convention.

Il résulte du troisième arrêt (n° 12-27.594) que, lors de l’entretien au cours duquel les parties conviennent d’une rupture conventionnelle, le défaut d’information du salarié d’une entreprise ne disposant pas de représentants du personnel sur la possibilité de se faire assister par un conseiller choisi sur une liste dressée par l’autorité administrative, n’entraine pas la nullité de la convention de rupture.

En outre, le choix du salarié de se faire assister par son supérieur hiérarchique n’affecte pas la validité de la rupture conventionnelle.

En l’espèce, le salarié qui avait sollicité l’assistance de son supérieur hiérarchique ne pouvait ensuite arguer d’une quelconque pression ou manoeuvre pour l’inciter à consentir à la rupture.

Enfin, dans le dernier arrêt (n° 12-25.951), la haute juridiction a énoncé que le fait pour l’employeur de ne pas informer le salarié avant toute rupture conventionnelle de la possibilité qu’il lui est offerte de contacter le service public de l’emploi en vue d’envisager la suite de son parcours professionnel, n’affecte pas la liberté de son consentement à la conclusion de la convention de rupture. Notons que, dans le cas l’espèce, le salarié avait un projet de création d’entreprise.

Sources :
Cass. soc., 29 janv. 2014, n° 12–25.951, M. H. c/ Sté Papier Mettier France
Cass. soc., 29 janv. 2014, n° 12–24.539, M. V. c/ Sté Maladis
Cass. soc., 29 janv. 2014, n° 12–22.116, M. H. c/ Sté Teissier et a.
Cass. soc., 29 janv. 2014, n° 12.27.594, M. L. c/ Sté King Jouet

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